Les canards de rap, victimes de la crise du disque…

Après l’effervescence autour du clash Rohff/Booba on peut se poser la question sur la presse rap, disparue des kiosques. Un article posté sur Rue89 au sujet de la presse rap avait donné ce papier.

En 2010 un contributeur de Rue89, avait publié un article sur le site  : RAP : COMMENT INTERNET A TUE LA PRESSE RAP ? Le journaliste de la rubrique rap a fait un constat. Pour ça, il a rencontré un des acteurs du magazine RAP MAG, précisant que c’est “Le seul magazine grand public dont le contenu tient la route” (Fabien tu déconnes, mec !). Dans son papier il conclu que si ce magazine agonisait, la presse serait morte.  Disons plutôt que la presse a changé, elle ne s’achète plus et ne se paye plus (surtout au dessus de 2 €) . Retours sur la presse rap et ce qui s’est brièvement passé.

 

Première précision, et pour éviter toute confusion. Le rap et le hip hop sont deux choses différentes.  Le rap est un genre musicale, la culture hip hop est plus générale avec de la musique, de la danse, du deejayin et d’autres éléments. Le rap a eu plusieurs titres comme RAP, GROOVE ou encore RAP MAG. La presse hip hop, elle, a eu Get Busy, RADIKAL ou encore THE SOURCE. Nous parlerons uniquement de presse payante. Une vingtaine de titres ont vu le jour et seulement quelques-uns ont survécu : l’affiche, rer, Radikal, Get Busy, The Source, Tracklist, Planet Rap Mag, RAP, Groove, RAP MAG, Rap Us, Bounce, Wesh Wesh, Daniouz, Digital Hip hop (devenu International Hip Hop), Gas Face et des aussi des gratuits : 5styles, Size Xl, Block, Unité, Juste Debout, Rapas…

Début 2003. Les titres en kiosques sont nombreux. Les leaders s’appellent Groove, Radikal, et R.A.P. Mais d’autres titres existent comme Tracklist, The Source, Get Busy (fanzine devenu payant). Les différents titres se portent bien, car la musique n’est pas encore sinistrée, et les chefs de produit ont les budgets pour investir sur l’ensemble des titres. Il faut aussi préciser qu’à sa naisssance, la presse musicale rap est une presse spécialisée. Ses informations sont difficiles à trouver, faute de visibilité en télé. A sa naissance, elle est donc sollicitée quelque soit son prix. A la fin des années 90, les presses vont fleurir dans les rayons des marchands de journaux et son pic sera atteint au nouveau millénaire avec presque une dizaine de titres. Chaque titre a sa cible. Radikal, pionnier touche les puristes de la culture hip hop, c’est un magazine « quali» et mature. Groove touche les passionnés de rap, désireux d’avoir du son en promo. Et R.A.P les jeunes fans de rap français avec des sujets légers, des interviews texto, poster et lyrics. Get Busy est un OVNI par sa ligne éditoriale qui se démarque par son ton, et aussi son histoire avec la culture hip hop. Joeystarr participe à des interviews croisés, et les entretiens sont larges avec des personnalités du ciné, du rap américain et même du X, puis il y a deux auteurs Boukercha et Protche qui sont décalés et libres dans leur idées. Tracklist est un outsider qui parle du rap underground et qui va se construire un nom. « Jusque là tout va bien » comme dirait l’autre.

2008. Les titres en kiosques ne sont plus les mêmes. Les magazines battent de l’aile, ou se sont scratchés. Radikal s’est éteint depuis quelques années suite à une erreur de gestion, alors que le public en était friand. Groove qui a été racheté par un nouveau groupe de presse, a chuté et tente de se relever mais il faut le dire, le magazine a perdu une partie de son plumage. Les Sampler CD n’attirent plus. Internet permet de découvrir quotidiennement les nouveaux sons, puis le format CD face au MP3 est tout simplement inadapté. R.A.P se maintient. Sa recette fonctionne plus ou moins : un petit prix, un contenu léger et une position de leader en termes de vente lui permette d’avancer et de générer des gains publicitaires. Mais les titres présents vont de nouveau connaitre des changements. Groove se fait doubler par son gosse, RAP MAG. Le premier clone de la presse, propose la même formule que Groove, avec une certaine agressivité. Le combat entre les deux titres fait rage. Groove tentera de se sortir des cordes et du K.O avec une nouvelle formule, en vain : Groove s’éteint dans la plus grande indifférence (R.I.P). RAP MAG  qui a gagné le combat, subira le même sort que son père. Même si le titre a tenu jusque fin 2010. La raison ? Sa survie dépendait des budgets de l’industrie musicale, car ses ventes étaient insuffisantes pour générer et assurer l’existence du titre. Son contenu n’avait rien de pertinent, et les lecteurs retrouvent ce contenu sur le net.

Pourquoi les titres de rap ne fonctionnent plus ?

Au-delà de son (pauvre) contenu, et de l’arrivée d’Internet. Un vrai problème se pose. Les budgets  publicitaires des maisons de disques et des indépendants. Avec la chute des ventes de disques, les enveloppes de communication ont donc considérablement diminués. Les chefs de produits ciblent les incontournables et misent sur une visibilité homogène : Presse, Internet, télé et radio. Cette sélection naturelle a fait mourir les plus fragiles. Dans le circuit les derniers résistants étaient R.A.P & RNB, RAP MAG.  En plus de ces budgets limités, un autre problème s’est posé : les ventes des magazines. Et on arrive au ton de la presse rap ! Les rappeurs sont assez frileux pour jouer le jeu dans des concepts. Et les journalistes sont : soient trop éloignés de cette musique ou sont trop impliqués (limite fan).  On est loin du modèle américain ! Aucun angle n’est abordé de manière originale, mais un autre problème vient se rajouter. Les consommateurs potentiels de la presse payante, les trentenaires ont décrochés avec le rap d’aujourd’hui. Ils ne sont donc pas prêts de consommer des titres d’un genre musical qu’ils n’écoutent plus. Quel intérêt d’acheter une presse d’un genre musical que l’on n’écoute plus? Les plus jeunes, eux ne lisent pas, et se font leur opinion à partir des morceaux ou des vidéos. A vrai dire les formules de presse sont inadaptées, pas d’accroche choc, pas de titre vendeur, de clashs en couverture etc. La presse rap, et hip hop française est timide, et n’a pas l’arrogance ou l’égo de la musique qu’elle traite ou l’originalité de sa culture. Ce qui n’était pas le cas à l’époque avec des titres comme Radikal et Get Busy.

Un autre vecteur a joué dans la presse : Le manque de moyens (humains, financiers et de stratégies marketing). Get Busy, de par sa formule adulte, aurait pu ouvrir les portes à la presse rap. Le titre n’a pas eu le succès qu’il méritait par manque de visibilité, et également de sa ligne éditoriale en rupture avec les plus jeunes générations. Il était le titre en phase avec ce lectorat qui a mûri, voir vieilli.  La presse a besoin d’appuis financiers et marketing pour se vendre.

Le rap et la presse généraliste. Les rappeurs et Salif l’a souligné dans son entretien avec 5Styles (septembre 2010). Les rappeurs français ne sont pas des professionnels de la communication, et restent assez froids (Le rappeur de Boulogne soulignait que les rappeurs français pouvaient arriver pour un interview et une séance photo avec un Tee shirt froissé, chose inconcevable aux Etats Unis). Cachin parlait de codes, dans l’article de Rue89. Effectivement les rappeurs français sont assez frileux et fermés. Si les rappeurs étaient plus ouverts, et n’avaient pas de problème, à débattre, à traiter de l’actualité et tout simplement de sortir du cadre de leur musique, les portes seraient surement GRANDES ouvertes. Imaginez la journaliste qui sort d’une école de journalisme, qui ne connait pas l’univers du rap, et qui doit faire un sujet sur un rappeur, sachant comme l’affirme Olivier Cachin, que le genre musical est très codé. Une chose est sure, le manque d’angle intéressant joue aussi : Des couvertures avec des thématiques : Les mamans du rap français, Je rappe mais je travaille, Rap : ciné ou réalité ? Autant de thèmes qui pourraient permettre de (re)donner un souffle à la presse. Dans le fond, Internet n’a tué personne (peut être blessé), ni la musique, ni la presse rap, c’est le rap qui a limogé la presse payante avec la chute de ses ventes, et le manque d’implication de ses acteurs pour lui donner de la matière en presse, et l’accès à l’information avec les sites, les gratuits.  N’hésitez pas à donner vos avis sur la presse et vos attentes. Paix.

6 réponses sur “Les canards de rap, victimes de la crise du disque…”

  1. « Jusque là tout va bien » comme dirait l’autre.

    Si c’est en rapport avec le classique de Booba, c’est ” Jusqu’ici tout va bien ” :p

    Article très intéressant sinon !

  2. Pas facile de vendre des encarts publicitaires dans des magazines lus par un public en partie insolvable. La presse rap, ce n’est évidemment pas le lectorat de Art & Décoration.

  3. Le papier n’a effectivement pas résisté face au web. Il faut donc innover et revoir les circuits de distributions et aller au plus près du public.

  4. De toute manière, le meilleur magazine rap c’était Get Busy. Et Sear a décidé de se faire la belle bien avant l’invasion du web dans nos vies.
    Moi quand je lisais L’Affiche, RER ou Radikal, j’avais trop souvent cette espèce de frustration issue d’un sentiment que le pigiste avait vendu son âme au diable pour faire un papier ronflant (dans tous les sens du terme) et pour cause, avoir les plus grands noms assurait plus de ventes (même si les articles étaient nazes).

    Avec le recul, je me rend compte que certains journalistes étaient (sont ?) VRAIMENT VRAIMENT bons : Grégory Protche et surtout François Bonura. Y en avait sûrement d’autres mais ces deux m’ont marqué et bizarrement c’était par la subjectivité de leurs interviews et de leurs analyses.

    La presse rap, c’était mieux avant…

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