Oxmo Puccino, l’autre type du rap français…

A l’occasion de la sortie de son sixième album “Roi Sans Carosse”, je vous invite à découvrir Oxmo Puccino. Il est également l’auteur de la préface de mon premier roman “Les Anges S’habillent En Caillera” (Éditions Points)

1998. l’année où NTM est de retour avec le quatrième opus intitulé « Supreme NTM », celle aussi où tous Monica et Brandy nous chantent que ce mec est le leur… C’est aussi l’année de la sortie de l’école du micro d’argent d’IAM, avec Demain c’est Loin. Coté grand écran, Jacques Villeret est le con invité à dîner, et Besson fait péter le compteur du Taxi, avec Samy Naceri. 1998, c’est surtout l’année où je découvre “Opéra Puccino”,  d’Oxmo Puccino qui te l’a dit à toi aussi : L’enfant seul je sais que c’est toi…

 

Hier, c’est loin. Je vis à Levallois Perret, dans un appartement trois pièces, et chaque soir j’écris de longs courriers à un proche incarcéré. La case prison fait partie de la vie de certains d’entre nous, comme elle fait partie du célèbre Monopoly. Une case et pas une fatalité, mais qui nous touche de près ou de loin. Cette case est faite de mandats, d’un permis de visite, et de douleurs psychologiques. Je pense à mon pote, pendant que je suis dehors, lui est enfermé. Pendant que j’achète du son, lui se contente de celui de la FM. Pendant que j’écoute quelques hymnes de caillera, lui se contente de Passi, et de son matton qui le guette. Pendant que je respire les quartiers de Paname à plein nez, lui rêve de s’essouffler de liberté. A cette période, j’ai compris qu’on naît, grandit et crève seul…

Dans les bacs à disques de Virgin, je ne manque pas la sortie d’NTM, parce qu’ils racontent nos vies, et sont de Saint Denis. Joeystarr et Kool Shen ne sont plus que deux sur la pochette de l’album, dire qu’au départ ils étaient massifs dans le clip Le monde De Demain, mais au fur et à mesure la force du nombre, n’a pas fait le poids face au poids de l’égo. Parmi les sorties, y a un type différent, une surprise pour ceux qui n’écoutent pas la radio, ou ne connaissent pas les mixe-tapes de Poska. Un renoi du 19eme, il a le nom d’un café… Cappucino… Puccino… Oxmo Puccino ! Je l’ai entendu sur les mixetapes qu’on achetait chez Ltd, et aussi avec un autre rappeur Booba sur “Pucc Fiction” dans  L432, un classique du rap français, avec Mama Lova sur le projet Sad Hill du DJ d’IAM, Kheops. Le hip hop explose, y a eu la Cliqua, maintenant Times Bomb, et Oxmo fait partie de cette clique avec Pitt Baccardi, Lunatic, Les X-Men, Hifi. C’est la nouvelle ère du rap français, amorcée par La cliqua et dont la continuité est assurée par la clique de Times Bomb. Le rap français ne se contente plus du flow de Lionel D ou Johnny Go, il a atteint un autre niveau. Oxmo et ses amis, développent quelque chose de nouveau, les passionnés en sont friands. La particularité de cette équipe est de faire du rap américain en français, qui chronique la vie de notre quotidien. Le rappeur que le public compare à un Biggie français livre un album qui ne vieillira pas. Il parle du quartier sous tous les angles, et du fameux BEP chaussure.

Je taffe depuis déjà deux piges. Ma vie est animée par la culture hip hop, les projets, et le sport. Je m’entraîne dans le 18eme et à Saint Denis, la boxe thaï et moi sommes ensemble depuis presque dix piges, malgré des ruptures, et des moments forts. A la salle de boxe de Levallois, je côtoie de vrais gars : Christophe Gomis, lui c’est une mitraillette, il est vif, humble. C’est pour ça qu’ils l’ont pris dans le clip de Qu’est ce Qu’on Attends, il boxait sur le ring. Y a aussi Joachim, Souleymane M’Baye, Houssine et Youssef et un mec du 19eme, Jimmy. On l’appelle Huggy les bons tuyaux, il connaît tout le monde. Un brave type, et il nous parle D’Abdoulaye aka Oxmo Puccino. C’est un gars de chez lui. La culture hip hop a Paris, c’est une espèce de famille, tout le monde se connaît, c’est un peu par ça que les noms se font. Mais aussi grâce à Générations, la Radio qui n’émettait que le week end, assure des émissions le soir de la semaine, avec l’émission de Marc qui reçoit tout le rap français. Un an avant, la Fnac de Ternes a été retournée. Un concert avec Times Bomb devait avoir lieu, et les rappeurs de la bande sont arrivés en retard. La foule qui est venu voir les artistes a tellement été importante que très rapidement l’enseigne a été prise d’assaut par le public. Résultat : le magasin détruit et des milliers d’articles volés. Avec ce genre d’évenement, le rap français a mauvaise réputation. Le lendemain, Busta et Rocca interviendront sur l’antenne de Générations pour défendre le hip hop et éviter ce genre de dérapage.

Quelques mois plus tard, nous sommes en 1999. Sur Paris, une ex-meuf m’a rejoint avec des copines. Son prénom, Malika, si tu as lu La Petite Cité Dans La Prairie, tu sais de qui je parle, et tu sais dans quelle merde, je nage. Avec mes potes, et ses copines on fait des virées sur Paris : Crêpes et soirées dans les endroits où l’on accepte les rebeu et renoi. Une chose est sure, l’époque du Fun Raï est terminée, maintenant c’est l’Opus et le MCM Café. On se croit branché avec nos 501, et nos Timberland.

Ce soir là, on est à l’Opus Café, un endroit où l’on peut danser sur du son RnB et hip hop. Mona Lisa, Mary J, R-Kelly, ou encore Keith Sweat sont nos références musicales en dehors du rap. L’Opus Café est devenu depuis quelques semaines, l’endroit où je squatte avec mes potes Mehdi, Hassan et Joël. Mon ex qui fait souvent le voyage entre Bourges et Paris est souvent avec moi, on partage du son, des souvenirs, et les déceptions. On passe la soirée ensemble, à kiffer et se rappeler les souvenirs partagés.

Deux heures du matin, au volant de ma Clio je bombarde sur le périph’, les autres sont dans mes rétroviseurs. Malika regarde les affichages lumineux. Les portes de Clignancourt à Quai d’Issy défilent très vite. On arrive à l’hôtel, les autres nous rejoignent dans la chambre, et on plaisante avec la télé branchée sur MCM. Je vois alors le fameux type Oxmo Puccino, Malika monte le son, et tout le monde dans la chambre est bercé par le refrain efficace : T’es l’enfant seul/ Je sais que c’est toi / Viens-tu des bas-fonds / Ou des quartiers neufs ? / Bref, au fond tous la même souffrance…

Le titre ramène chacun de nous à des images. Pour ma part : ceux d’une enfance de gosse du divorce. Pour elle : l’absence de son père, et les galères de famille. A voir les visages des autres, je me rends vite compte que finalement nous sommes tous seuls. Oxmo le dit dans son texte, et ses mots résonnent dans nos têtes. Personne ne bronche. Mehdi, qui chambre à la moindre occasion, ferme sa grande gueule. Dans la chambre nous sommes plusieurs mais ça pue la solitude. La chanson est finie, et c’est le vide. Quelques instants plus tard, le jour se lève avec ses paroles qui résonnent encore.

Les années passent et en 2001, Oxmo sortira un second album « L’amour est mort ». A cette époque je travaille pour hiphop.fr, et je rencontre l’artiste. C’est le pote de mon pote, et comme on vient du même milieu, on se lie d’amitié. Lui, a arrêté le rap et passe pas mal de temps dans nos bureaux. C’est officieux, mais Oxmo n’a plus envie de faire de rap, il a arrêté. Alors qu’il était en studio pour « l’amour est mort », des rumeurs ont tournés : “Oxmo est mort, il ne sait plus rapper. Oxmo est défoncé…Oxmo, ceci, Oxmo, cela”. Ça fait beaucoup d’Oxmo et cela a tué commercialement “L’amour est mort”.  L’artiste qui reste branché à la musique, hésite, il prend du recul. L’album contenait de nombreux titres comme “J’ai mal au mic” que le public découvrira plus tard. Puis un jour, dans un mail il envoie un morceau « Avoir des potes ». Oxmo aime avoir des avis sur sa musique. Et ce titre est un délire avec un pote à lui, Rico, un guitariste qui vit en Martinique et qui lui a proposé de partager un titre avec lui. Oxmo ne dit jamais non aux siens. Il l’a fait, et ce mail le chef de produit l’a reçu et écouté. De là, Oxmo joue le jeu, et joue le titre. Il pousse de nouveau la porte d’entrée du rap,  et se retrouve sur la scène d’Urban Peace et jouera devant plus de 45 000 personnes. Il revient dans le game, comme diront certains, mais c’est lui qui établira son propre jeu, et sa définition de sa musique.

En 2004, avec “Cactus de Sibérie“, il prononce sa différence, et prouve qu’il y a une vie après le Black Mafioso, il est devenu le black desperado et ne sauvera pas le rap de son enfermement. Lui, s’affranchira un peu plus du rap français, en collaborant avec d’autres univers et en imposant sa voie artistique. Il réalisera un projet avec Blue Note, un label de Jazz, “Lipopette Bar”.  Sa force réside dans son écriture, et sa connaissance de la musique. A ses débuts, il a épluché tout ce qui se faisait en rap, pour découvrir les différentes techniques, les différents flow. Avec toutes ces données, l’artiste a évolué au fil de ses collaborations.Lors de nos échanges, il me racontera pas mal de choses, comme sa vision de ce fameux show case à la Fnac des Ternes « On était dans le métro, et il y avait un monde fou.On se demandait mais qu’est ce qui se passe, ils vont où tout ces gens ? Finalement en arrivant on découvre que la Fnac a été débordé, et que tous ces gens venaient pour nous ». On parlera aussi du fait qu’on disait qu’il était le Biggie français et lui me répondra “Ouais, je pense que c’était une question de poids…” et éclatera de rire. On tapera des barres sur l’enfant seul en Thaïlande, et  sur le rap en général.  Lors de notre dernier entretien, on a parlé des femmes, et de son rapport avec la gente féminine. “J’ai un bon rapport, très compréhensif dans le sens, où j’ai compris qu’il n’y avait rien à comprendre.  C’est bête comme ça. A partir de ce moment là, y a rien à comprendre. Et ça se passe mieux. La femme est le reflet du manque de confiance de l’homme. A partir de ce moment là, t’as moins de choses à lui reprocher. Les gens qui ont des problème avec les femmes, ont des problèmes dans la vie, parce que leur mère est une femme. J’ai compris ça, et je prends les choses avec du recul, et je gère” Finalement, l’artiste a dépassé les frontières du rap, et a installé son nom et surtout sa musique. Avec l’enfant seul, Oxmo a réalisé un morceau qui aura rassemblé autour de lui tous les enfants seuls, et ça en fait un paquet.

Article de Rachid Santaki auteur des romans : Les Anges S’habillent En Caillera (Éditions Points), Des Chiffres Et Des Litres (Éditions Moisson Rouge) et bientôt Flic Ou Caillera (éditions Le Masque)

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